Cela faisait déjà plusieurs jours que le Mage s'était inscrit en tant qu'enseignant de Magie dans le pensionnat Shinichi. Dahiorus, qui portait toujours le même long manteau noir, était passé du statut de Mage de l'ordre du Néo Zodiaque à celui de démon, car dans ce monde, il était considéré comme tel. Il se trouvait dans le hall, il regardait les différents arrivants et pensionnaires déambuler dans cette vaste salle, même s'ils n'étaient pas beaucoup. Il pensait même que la plupart d'entre eux pouvait devenir ses futurs apprentis en Magie.

Il savait que cet art occulte pouvait être différent de ce qu'il avait appris dans son école de Magie, sur Gaïa. Le démon aux yeux vairons avait travaillé le sujet durant les premiers jours qu'il avait passé dans l'établissement. Chaque jour, il allait faire un tour à la bibliothèque et approfondissait ses connaissances et complétait avec ce qu'il savait déjà. Sa spécialité : la Magie démoniaque, Dahiorus était devenu un maître dans ce domaine. Il avait passé près de trois années entières à voyager avec son professeur et à perfectionner son art. Durant ces longues journées qu'il avait passé le nez plongé dans les livres et encyclopédies, le jeune homme avait essayé de voir si sa Magie pouvait fonctionner même dans ce monde.

Un jour, il avait voulu tenter d'invoquer son arme démoniaque : une épée à lame noire obsidienne et imposante, et gravée de runes.

Il se trouvait à l'extérieur, sur le toit du pensionnat. Il appela les flux infernaux du Mana noir, l'énergie du Pandémonium, du moins, il essaya. Les minutes passèrent sans que rien ne se produise. Il restait concentré, les yeux fermés. Le vent soufflait sur son long manteau et ses cheveux d'un noir de jais. Il ressentait la présence d'énergies dans l'atmosphère, mais pas celle du Mana noir. Chaque énergie avait sa propre signature, son identité. De celles qu'il ressentait, aucune n'était identique à une autre, elles étaient toutes uniques en leur genre. Il savait bien que cette énergie magique était propre à son monde, normalement. Pourtant, vu que la Magie existait dans ce monde, et que le jeune homme avait même croisé des démons dans le pensionnat, celui-ci pensait que le Mana noir pouvait se trouver aussi dans ce monde. Le tout était de le trouver. Le temps s'écoula, et toujours rien. Mais soudain, le démon ressentit quelque chose. Il tenta alors de se concentrer dessus. Il fit le vide dans son esprit. Il tendit le bras droit devant lui. Une sorte de lueur écarlate apparut dans le creux de sa main. Il se concentra encore plus, afin d'absorber le plus d'énergie possible. Puis, la lueur se changea en un cercle d'invocation écarlate, sombre. Il semblait différent de ceux qu'il invoquait auparavant. Il n'avait donc pas ressenti la présence du Mana noir, mais celle d'un autre flux magique, peut-être semblable à l'autre, avec qui il avait des affinités. Quelque chose surgit du cercle : c'était une épée, mais pas celle qu'il utilisait habituellement. Elle était différente. La lame était plus mince, mais toujours de couleur noire. Les runes avaient disparu. Le jeune homme l'empoigna. À ce moment-là, des arcs électriques écarlates parcoururent la longueur de la lame.

– Une nouvelle arme ? Amusant, se dit Dahiorus, le sourire en coin.

Les jours qui suivirent, le démon alterna les séances d'entraînement et les recherches à la bibliothèque. Il retrouva rapidement ce qu'il avait « perdu », en découvrant de nouvelles capacités démoniaques. Ses connaissances en Magie se développèrent. Il était devenu à présent un véritable démon et pouvait enseigner la Magie démoniaque, et peut-être d'autre, comme la Magie noire, à ses futurs élèves. Le jeune homme aux yeux vairons les attendait de pied ferme.

Dahiorus avait fait le tour du pensionnat et en avait profité pour demander un logement, et avait visité sa future salle de cours. Il se demandait si ses futurs apprentis en Magie allaient être attentifs durant ses heures d'enseignement. Il savait que les cours théoriques sur cet art occulte étaient assez ennuyeux. Rien ne valait mieux qu'une bonne démonstration en plein air ou un cours en pratique. C'était à ce moment-là que l'on pouvait voir les talents de chacun ou leurs éventuelles faiblesses. Il avait hâte de les voir en action.

Soudain, dans ce tout petit monde, il aperçut une personne vêtue d'une manière assez négligée. Son visage était dissimulé sous la grande capuche d'un sweat rouge sang, ce qui était assez particulier. Ses longs cheveux, quasiment de la même teinte que son haut large, dépassaient et indiquaient qu'elle était une jeune femme. Elle avait l'air de porter un sac à dos. Elle semblait plutôt perdue. Le jeune homme aux yeux vairons décida de s'approcher afin de lui proposer son aide, tout en espérant ne pas l'effrayer par sa carrure.

La jeune femme paraissait avoir peur de tout ce petit monde dans le hall. Pourtant, il n'y avait seulement que quelques personnes qui se promenaient. Elle replia ses bras contre elle, comme pour essayer de se protéger. Là, il était clair que cette jeune femme n'était pas dans son élément. Le démon s'approcha d'elle, pour tenter de l'aider. Mais il craignait de sa réaction, car il savait qu'au premier abord, il pouvait faire peur, à cause de son regard plutôt froid. La nouvelle arrivante se figea subitement. Dahiorus sentit tout à coup une atmosphère étrange autour d'elle, comme si une énergie l'enveloppait. Il se demanda si elle possédait des dons particuliers. Il avança alors avec prudence, tout en concentrant le flux magique en lui. Si elle décidait de l'attaquer, il serait prêt à se défendre et à protéger les pensionnaires dans le cas échéant. Le sac de cette personne singulière glissa de son épaule et tomba brusquement sur le sol. Celle-ci ne le ramassa pas. Elle devait être tétanisée, mais en même temps sur ses gardes.

Le démon aux yeux vairons arriva finalement près de cette jeune femme. Il se baissa, ramassa son sac, qui était plutôt bien rempli, puis le lui tendit. Il lui déclara d'un ton se voulant rassurant :

– Tu es perdue ? Ici, tu te trouves dans un pensionnat... assez particulier. N'aies pas peur, je ne te veux aucun mal. Tu n'as pas à rester sur tes gardes, tu peux abaisser ton énergie. Je suis Mr Blacklight, professeur de Magie. Tu cherches un endroit en particulier ?

Dahiorus lui adressa ensuite un sourire bienveillant, ce qui était assez rare, car il demeurait d'une attitude froide habituellement devant les gens. Il avait appris, en seulement quelques jours, à être plus sociable, car il allait enseigner un art à des élèves. Paraître d'un air glacial devant des jeunes apprentis n'étaient pas une très bonne chose ; il pourrait les effrayer. Mais en même temps, il commençait à se plaire dans cet endroit.

Le jeune homme attendit alors que la nouvelle arrivante daigne lui répondre.

La jeune femme se refusait de regarder Dahiorus, mais elle semblait l'écouter attentivement. Elle lui prit le sac des mains et lui fit un signe de tête afin de le remercier de son geste. Elle abaissa sa garde ensuite, vu qu'elle avait les poings desserrés, leva la tête après avoir remis ses cheveux en place et posa son regard sur celui du jeune homme. Mais cela ne dura que quelques misérables secondes ; elle devait sûrement avoir peur des yeux vairons de Dahiorus. La nouvelle arrivante baissa la tête, réajusta sa capuche, puis lui déclara d'une voix trahissant de la nervosité :

– Je... Je... cherche... un... un endroit calme... pour... me reposer...

Elle bégayait, de peur certainement. Même si leur regard ne s'étaient croisé que durant quelques secondes, Dahiorus avait eu le temps d'apercevoir son visage, qui ne montrait qu'un seul œil d'une couleur jaune orangé, l'autre était caché par ses cheveux. Elle ajouta ensuite, d'une voix plus douce et calme, tout en jouant avec deux ou trois mèches de cheveux :

– Ce n'est pas... que je veux... m'isoler avec... vous... monsieur... Mais pourrions-nous aller... un peu plus loin ?

Le démon lui répondit alors, toujours de la même voix rassurante :

– Un endroit calme ? Hum... Il y a peut-être le foyer qui se trouve à côté, il y a un canapé, tu pourrais aller te reposer là-bas. Mais cela fait combien de temps que tu erres seule dans le village ?

Il sentait qu'elle n'était pas à l'aise, même avec ce petit comité dans le hall. Il lui tendit la main, afin de l'emmener dans le foyer pour étudiants.