– Bon, le cours est terminé. Vous pouvez partir.

À ce moment là, les élèves se levèrent, puis saluèrent le professeur et enfin, quittèrent la salle un par un. La salle était vide à présent. Dahiorus s'installa sur sa chaise, il avait l'air plus épuisé que d'habitude et quelque peu essoufflé. Cela semblait assez étrange, car la pratique de la Magie ne l'avait jamais fatigué de cette manière. Sa vue se troubla légèrement. Pensant que c'était juste dû à un manque de sommeil, le mage décida de retourner dans sa chambre, afin de se reposer un peu.

Il arriva devant la porte de la chambre quatre du dortoir des employés du pensionnat. Il entra, retira son long manteau, le laissant en chemise noire à manches courtes, le posa sur le rebord de son lit, puis s'allongea. Il dormit seulement quelques minutes, avant de se faire réveiller par ce rêve récurrent et incessant. Le jeune homme regarda autour de lui et se demanda s'il avait réellement un colocataire. Cela faisait plusieurs jours déjà que celui-ci était arrivé dans le pensionnat et il avait été assigné à cette chambre. Il ne savait même pas qui il était ni à quoi il ressemblait. Tout ce qu'il y avait de lui n'étaient que de simples bandages quelque peu usagés, qui traînaient sur son lit et sur le sol, à moins que ce ne soient ceux du démon. Il regarda alors son bras gauche, les siens se trouvaient déchirés. Il sortit un rouleau neuf et remplaça ceux qui entouraient son membre à la peau rugueuse et noire. Après avoir terminé, il bougea son bras pour voir s'ils ne le serraient pas trop. Finalement, il s'assit au bord de son lit, puis émit un long soupir. Ses yeux vairons se posèrent sur le gantelet de métal qui enveloppait son avant-bras gauche.

Il était seul dans cette chambre... avec un démon enfermé en lui, qui le tourmentait à chaque fois que son hôte fermait les yeux.

Il était amusant de voir comment Dahiorus tentait de jouer avec ce démon couvert de bandages. Celui-ci ne répondait pas et restait muet – certes, le mage démoniaque ne lui en laissait pas placer une – ; il ne se contentait que de regarder son interlocuteur lui asséner d'une tonne de questions bien étranges. Mais il se tut, se tenant devant lui ; l'autre toujours coincé dans son mutisme. À quoi pouvait-il bien penser ? se demanda le mage, qui le regardait d'un air perplexe. Le nouveau venu semblait totalement immobilisé, de marbre, voire même déconnecté du monde réel.

Il ne s'écoula qu'une fraction de seconde – à peine –, mais ce fut trop long pour le mage. Il ne lui posait que de simples questions, et pourtant, son interlocuteur ne répondait pas. Un muet... génial... soupira-t-il. Qu'est-ce qu'il lui faut pour lui délier la langue ?

Dahiorus se demanda s'il ne valait pas mieux se recoucher. Rester debout devant cette « momie » commençait à l'exaspérer peu à peu. Mais il ne pensait pas que les choses allaient prendre une autre tournure, plus intéressante et, peut-être, plus excitante.

Il ne le sentit pas arriver. Soudain, quelqu'un déboula d'une manière fort incongrue, défonçant littéralement la porte d'entrée de la chambre 4, où la puanteur de la mort se fit sentir à cette instant. Dahiorus fut alors quelque peu interdit par cette éruption impromptue. L'index levé et pointé en direction du mage aux yeux vairons, l'énergumène tonitrua :

― BLAACKLIIIIGHT !!!

Celui-ci reconnut de suite cette voix se voulant puissante et animale, qui se dissimulait derrière ce doigt menaçant et qui l'agressait pour ainsi dire. Il répondit alors d'un air assez narquois :

― Tiens ? Hana, ça faisait longtemps. Il arbora un rictus qui lui fit paraître plus arrogant. Comment va ta blessure depuis la dernière fois ? Nous n'avions pas vraiment fini ce que nous avions commencé dans la forêt, je me trompe ?

La succube semblait afficher le même air que le professeur de Magie. Peut-être était-elle ravie de le retrouver à cet endroit. Mais tout à tout, elle perdit son enthousiasme en voyant l'autre individu dans la chambre, elle changea alors d'humeur et devint plus... docile. D'une voix quelque peu timide et d'un air étonné, elle lui adressa :

― Mugetsu Dario ?

― Bonsoir, répondit-il finalement après son "long" silence agaçant, lui souriant d'un sourire franc et se voulant chaleureux.

À la vue de ce trouble brusque, le mage répliqua :

― Euh... Attends. Tu connais ce "démon momie" ? Il s'affala sur son lit.

Oui, car c'est comme cela qu'il appelait son interlocuteur.

Spoiler:

Dahiorus s'affala dans son lit, tout en répliquant à l'étonnement de Hana :

― Euh... Attends. Tu connais ce "démon momie" ?

Cette dernière émit un long soupir et répondit alors d'un air bien étrange :

― Momie je ne sais pas, il faudrait voir ce qu'il y a sous ce joli torse, mais démon, tu vois bien toute cette noirceur... C'est limite s'il ne manque pas la fourche et la queue...

On pouvait distinguer une pointe d'arrogance dans la voix de la succube, ce qui rappela au professeur de Magie leur petit entretien nocturne dans la forêt. Elle dévisagea le corps de la "momie", limite le déshabillait-elle du regard, tel le faisaient les êtres de son espèce. Puis elle se tourna de nouveau vers le mage démoniaque :

― Je lui ai fait visiter le pensionnat ce matin. Mais tu devrais le traiter avec plus de courtoisie il vient juste d'arriver, repartit-elle, tout en désignant l'autre de sa main. Et qualifier son nouveau camarade de chambre de momie n'est pas dans les règles de civilité il me semble... en tout cas... pas dans notre monde... Cette dernière parole semblait bien singulière. Le ton qu'elle prit à cet instant précis aurait dû alerter le mage, mais celui-ci n'y fit rien.

Il était vraiment fatigué.

Hana s'approcha d'un pas subtil de lui jusqu'à la table de chevet, puis s'adossa au mur avant de reprendre en arborant un petit sourire narquois :

― C'est vrai, nous n'avions pas terminé... Tu veux qu'on continue ? Après toi, Senpai ?

Sa ton de sa voix changea encore. Elle avait l'air d'avoir envie de jouer un peu avec lui. La succube souleva légèrement son haut, laissant apparaître sa peau basanée nue, lisse, sans la moindre trace de cicatrice. « Comment cela pouvait être possible ? », s'injuria Dahiorus, qui se souvenait bien de son épée transperçant le flanc de son adversaire cette nuit-là. Il devait y avoir une trace, une marque de son passage. Mais là... rien. Vraiment rien. Comme si ce combat n'avait eu lieu que dans son imagination. S'apprêtant à répliquer à la réponse de son interlocutrice, le jeune homme aux yeux vairons fut pris de court par le dénommé Dario :

― Je ne dérange pas vos "retrouvailles", rassurez-moi ? Il posa les yeux sur la succube, un rictus aux lèvres. Voulait-il jouer aussi ? Alors soit, il allait jouer avec eux. Faisant face au professeur de Magie, il reprit : Hé bien, monsieur le magicien – un regard de défi soutenait ses dires –, oui je suis un démon, et oui j'ai épié votre cours. Enfin, pas votre cours en particulier, c'est juste que je l'avoue, la magie m'intéresse. Après tout, les pouvoirs démoniaques et la magie sont peut-être cousins.

Il se réveillait enfin de son long mutisme lorsque les deux hommes avaient demeurés seuls dans la chambre. À croire que la présence de Hana y était pour quelque chose. Essayait-il de l'impressionner ? Et que s'était-il passé dans le hall ce matin pour qu'il réagisse de la sorte maintenant ? Il avait vraiment l'air bizarre. Au début, paraissant timide face aux assauts de Dahiorus, Dario semblait finalement se dévoiler. Cependant, cela ne produisit pas un grand effet, son vis-à-vis ne fit qu'un léger mouvement de tête en sa direction.

― Que tu sois un démon, je le vois, ton aura ne m'a pas échapper. Il se décida de se redresser et s'assit sur le bord de son lit, puis poursuivit : C'est marrant. Tout à l'heure tu n'arrivais quasiment pas à sortir un son de ta bouche, et là, tu me déblatères tous ces trucs. Dis-moi... est-ce Hana qui te donne tout ce "courage" pour enfin venir me répondre ? Ou est-ce les bandages qui recouvrent ta bouche qui t'en avaient empêché ?

Il n'était vraiment pas comme d'habitude. Ce ton narquois et cette désinvolture que montrait Dahiorus ne le correspondaient pas. Était-ce le démon en lui qui prenait peu à peu le dessus sur son esprit ? Il se tourna ensuite vers la succube et repartit de plus belle :

― Et toi Hana, l'aurais-tu fait succomber à ton charme ? Comme tu l'avais fait avec ton petit "repas" ce soir-là. Il t'intéresse, n'est-ce pas ? Je sens en lui un potentiel caché. Quelque chose d'assez étrange...

S'adressant de nouveau au démon aux longs cheveux ébènes :

― Et tu dis être intéressé par la Magie. Sache une chose : les pouvoirs démoniaques que tu possèdes et la Magie ne sont pas la même chose. Et il est des choses que tu ne sais pas encore sur tout ça. La Magie est un mystère que même moi n'ai pas réussi à percer. As-tu été...

Son gantelet de métal qui recouvrait son avant-bras gauche se mit peu à peu à noircir. Une douleur le fit réagir, et une légère grimace apparut sur son visage, l'arrêtant dans sa lancée.