– Assez intéressant, je dois l'avouer, concéda Dahiorus.

Le Soleil faisait progressivement place au ciel obscur et étoilé.

Le jeune homme aux yeux vairons venait de faire un tour dans la maison hantée. Il avait trouvé cela assez surprenant. Les effets spéciaux étaient bien réussis ; il avait eu quelques frayeurs, ce qui l'avait fait rire. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas un peu amusé. La dernière fois remontait à bien des mois, avant ce triste jour où il avait commis l'erreur de s'attaquer directement à lui et ainsi se retrouver à présent dans ce monde. Il marchait tranquillement au milieu de la foule. Soudain, il vit au loin un homme assis sagement sur un banc. Il semblait étranger à tout ce qui se déroulait dans la fête foraine. Que faisait-il ? Il avait l'air de regarder vers le bas. Sa casquette empêchait de distinguer son visage. Une jeune femme s'approcha de lui d'un pas tranquille. Dahiorus les regarda d'un œil discret, tentant de ne pas se faire remarquer. La jeune femme lui semblait familière, il était sûr de l'avoir déjà vue quelque part, mais où ?

Elle engagea la conversation avec cet inconnu qui paraissait ne rien vouloir à personne. Le démon aux yeux vairons ne pouvait percevoir ce qu'ils se racontaient, étant trop éloigné d'eux pour bien distinguer leurs propos. Il décida de s'avancer vers eux. Il vit un petit stand où il pourrait se dissimuler avec les gens : il s'y dirigea alors d'un pas tranquille. Tandis qu'ils discutaient, la jeune femme fit une chose plutôt impromptue : elle l'embrassa d'une manière sensuelle.

– Mais qu'est-ce qu'elle fait ? pensa le démon aux yeux vairons. Attends... Mais... ! Hum...

Elle l'emmena ensuite loin de la fête foraine. Après avoir attendu un petit moment, Dahiorus décida de les suivre discrètement ; il pensait qu'elle tramait quelque chose d'étrange.

* * *

Le « petit couple » arriva finalement en pleine forêt. La nuit était tombé depuis peu, la visibilité réduite. Le démon aux yeux vairons avait senti une énergie émanée de la jeune femme, au moment où elle avait embrassé cet individu à la casquette. Mais il les avait perdus de vue. Il n'aurait pas dû attendre tout ce temps avant de les suivre, mais il devait à tout prix ne pas se faire remarquer. Heureusement, la jeune femme avait laissé une trace de son énergie flotter dans l'atmosphère. Il la suivit alors.

Il réussit finalement à retrouver cette jeune femme bien singulière, qui avait senti sa présence. Elle était retournée face à lui, montrant un visage impassible. Dahiorus la reconnut malheureusement, c'était Amaiti Hana, un démon et professeur de Shinichi. Que faisait-elle dans ces bois ? Il allait bientôt le savoir. Sa bouche était couverte de... sang ? Le jeune homme remarqua le corps inerte de l'individu qui avait suivi la démone. Les yeux de cette dernière brillaient d'un éclat écarlate. Elle tenait à la main un katana à la lame quelque peu rougie. L'autre démon se mit alors sur ses gardes, au cas où elle déciderait de l'attaquer, tout en lui déclarant d'un air glacial et ferme :

– Ainsi donc, tu te dévoiles enfin... Hana... Voilà ce que tu es, une succube...

Il se concentra, puis tendit la main vers l'avant, fit apparaître un sceau d'invocation écarlate et invoqua son épée démoniaque.

– Grâce à toi, je vais enfin tester mes nouvelles facultés, déclara-t-il d'une voix amusée.

Il lui fit un sourire narquois afin de la provoquer.

– Maintenant que j'ai vu ce dont tu es capable, vas-tu me faire taire ?

– Maintenant que j'ai vu ce dont tu es capable, vas-tu me faire taire ?

Dahiorus voulait provoquer sa « collègue » et, en soi, consœur démoniaque. Vu qu'il était un démon dans ce monde, autant en profiter un peu. Pourtant, l'acte que venait de commettre Hana était impardonnable. Elle faisait partie de la caste du Pandémonium, il était vrai, mais cela ne lui permettait pas de s'attaquer ainsi aux humains impunément. Elle devait payer.

La démone essuya tout le sang qu'elle avait autour de ses lèvres. Elle remarqua qu'une trace d'hémoglobine avait séché au niveau de son menton. D'un air plutôt agacé, elle jeta le corps de sa victime du soir, d'un geste assez violent. Puis, en un clin d’œil, elle se volatilisa en ne laissant aucune trace. Elle semblait maîtriser la pulsion fantôme – technique qui permet de se déplacer instantanément d'une courte distance, très utile pour esquiver les attaques adverses. Le démon au yeux vairons n'eut pas le temps d'essayer de connaître le point d'arrivée de la succube, qu'elle réapparut soudainement juste à côté de lui.

– Dahiorus Blacklight... Tu joues au démon et tu fais ça plutôt bien... mais tu sens l'humain à plein nez, l'Horreur scellée en toi n'efface pas ta délicieuse odeur de steak naïf... Et puis... Un de tes yeux est mortel, tu peux alors toujours, plus ou moins, tomber sous la domination d'un démon de la luxure...

Ses propos résonnèrent dans la tête du jeune homme. Hana répondit d'un air d'amusement à la provocation du professeur de Magie. Ses lèvres étaient quasiment collées à l'oreille gauche de ce dernier. Il pouvait sentir sa respiration et son souffle le toucher. Elle donnait l'impression de vouloir jouer avec son côté... humain... Dahiorus devait se mettre sur ses gardes. Elle venait de découvrir la véritable nature du Mage : il n'était pas un démon à part entière, mais seulement l'hôte d'un démon. Il serra le poing gauche, où il portait son gantelet de cuir plaqué de métal gravé de sceaux mystiques. Il essayait de garder son calme afin de ne pas tomber dans le piège de cette « séductrice », qui était juchée sur les épaules de son interlocuteur.

– Je sais à quoi tu joues avec moi. Ça ne marchera pas, affirma-t-il.

Elle disparut de nouveau, sans réapparaître cette fois, tout en susurrant des choses au jeune homme, qui tentait à ne pas succomber à son petit jeu de succube. Sa voix résonnait toujours dans l'esprit du Mage aux yeux vairons. Pourtant, il ne pouvait rien faire contre elle, tant qu'elle serait immatérielle.

– Mais qui est donc ton démon, professeur ? interrogea-t-elle par télépathie.

– Tu vas rire, je ne le sais pas moi-même... répondit-il d'un air faussement désolé. Et si tu arrêtais ce petit jeu, et qu'on commence enfin les choses sérieuses ? Je n'ai pas envie de perdre mon temps à m'amuser au chat et à la souris...

Attendant un mouvement de la part de son adversaire, il resta immobile, tout en tenant fermement son épée démoniaque, qui émettait toujours ses petits arcs électriques écarlates sur la lame obsidienne, prêt à intercepter la moindre de ses fourberies.

Dahiorus sentit l'énergie de Hana émaner d'une branche d'arbre : elle se trouvait là. Mais il ne fit rien et attendit que son adversaire attaque la première, tout en restant concentré. Son épée produisait toujours son petit champ électrique. Cette situation l'amusait, car cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas dégourdi. Il y avait bien le jour où il avait affronté le mystérieux guerrier aux anneaux, dans le marché du village, mais ce n'était pas la même chose. Étrangement, la succube ne fit aucun mouvement. Qu'attendait-elle ? Le démon aux yeux vairons se retourna alors, et à sa grande surprise, elle s'était volatilisée. Il n'arrivait même plus à sentir son énergie. Cependant, Dahiorus était sûr d'une chose : Hana n'avait pas complètement disparu, elle était encore là, à guetter le Mage.

– Je sais que tu es encore là ! Montre-toi ! s'exclama-t-il.

Les secondes, puis les minutes s'écoulèrent, mais rien ne se passa. La succube semblait avoir complètement disparu. Pourtant, quelque chose lui disait qu'elle se terrait quelque part dans cette profonde forêt. Sa main droite serrait toujours son épée. Il attendait le moment propice pour riposter. Soudain, il sentit une émanation d'énergie provenir de son dos. Une étrange lumière violette apparut à l'endroit du dégagement de flux magique. Il se retourna et vit son adversaire réapparaître derrière lui, son katana à lame rougeoyante à la main et prête à lui asséner un coup, qui pourrait le trancher pour de bon. Dahiorus se retourna brusquement, sentant son attaque arriver. En un clin d’œil, la lame rouge de Hana heurta l'obsidienne du jeune homme aux yeux vairons.

– Pas mal, tu as fait exprès de me laisser sentir ton attaque arriver ? nargua-t-il. Tu sais, tu n'es pas la seule à pouvoir te téléporter...

À ces mots, il utilisa la pulsion fantôme et se volatilisa d'un coup, en laissant une traînée de particule noire flotter dans les airs. Il resurgit subitement juste dans son dos, son épée prête à la frapper.

– À mon tour de jouer...

Spoiler:

– À mon tour de jouer...

Hana se retourna brusquement et tenta d'esquiver l'attaque de Dahiorus. Mais elle échoua. La lame noire de son épée se planta dans le flanc gauche de la succube. Une expression sadique se dessina le visage du démon aux yeux vairons. Il avait fait mouche. Du sang s'écoula de ses côtes, filant le long de la lame noire du jeune homme et tombant sur le sol de la petite clairière. La douleur qu'elle devait ressentir à ce moment-là devait être intense. Elle ferma les yeux ; son visage afficha un air sombre.

Dahiorus ne voulait pas en arriver à cette situation. Il ne cherchait pas à affronter la succube, qui faisait quand même partie du corps enseignant du pensionnat. Mais il l'avait vu s'attaquer à un humain, et cela, le jeune homme ne pouvait le tolérer. Mais d'un autre côté, cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas dégourdi les jambes, car avant tout, Dahiorus était un Mage qui avait voyagé à travers les différentes contrées de Gaïa et mené des quêtes. Sa nature de combattant ne pouvait être enfouie très, très longtemps.

Hana se contint de hurler de douleur, elle ne poussa qu'un léger gémissement. Elle crispa un sourire nerveux. Puis, ses yeux se rouvrirent. Qu'avait-elle l'intention de faire ? Soudain, elle tenta de retirer la lame plantée dans ses côtes. Elle leva sa jambe droite au niveau du torse de Dahiorus et le repoussa avec force. Lentement au début, la lame obsidienne recouverte de sang se retira du corps de la jeune femme. Dahiorus la laissa faire. Au moment où la pointe de l'épée se présenta entre les deux combattants, le jeune homme fit un bond en arrière et se retrouva juste devant le cadavre de la victime du soir de la démone. Il regarda son épée couverte par le sang de la succube, puis jeta un coup d’œil dans sa direction. Hana fixait le gantelet que portait le professeur de Magie au bras gauche.

Durant les secondes qui suivirent, le jeune homme se demanda si son adversaire allait tenter quelque chose. Qu'allait-il faire à présent ? Ce combat ne mènerait à rien. Il ne pouvait pas se permettre de tuer un pensionnaire, ce serait ignoble. Même si elle avait sûrement pompé tout le sang de ce parfait inconnu auparavant, Hana faisait partie de la caste du Pandémonium, tout comme Dahiorus, en quelque sorte. Il avait envie de s'amuser un peu, mais si cela devait tourner de cette manière, ce « jeu » pourrait devenir un combat à mort. Le démon ferma les yeux, puis planta sa lame dans le sol. Il s'adressa ensuite à l'autre professeur :

– Bon... arrêtons là, je ne veux pas que cela tourne à un massacre. Ce jeu a assez duré.

Il marqua une petite pause, afin de réfléchir à ce qu'il allait dire, puis reprit, après avoir poussé un léger soupir :

– Écoute, cela faisait longtemps que je n'avais pas utilisé la Magie de cette manière. Et voir cet homme à terre... eh bien... je n'ai pas pu résister.

Il s'approcha de la démone d'un pas tranquille.

– Tiens, d'après ce que j'ai vu, boire mon sang devrait te faire du bien, dit-il en lui mettant son avant-bras droit sous le nez. C'est quand même bizarre qu'un démon puisse se nourrir de cette manière.

– Bon... arrêtons là, je ne veux pas que cela tourne à un massacre. Ce jeu a assez duré.

Hana écarquilla les yeux d'étonnement, puis répliqua :

– Arrêter ?! Tu plaisantes ? Ton hôte humain se dégonfle, démon ? demanda-t-elle, d'un ton sarcastique.

– Écoute, cela faisait longtemps que je n'avais pas utilisé la Magie de cette manière. Et voir cet homme à terre... eh bien... je n'ai pas pu résister, soupira Dahiorus.

Il s'approcha de la démone d'un pas tranquille.

– Tiens, d'après ce que j'ai vu, boire mon sang devrait te faire du bien, dit-il en lui mettant son avant-bras droit sous le nez. C'est quand même bizarre qu'un démon puisse se nourrir de cette ma...

Au moment où il termina sa phrase, Hana déclina son offre en frappant le membre du professeur de Magie du revers de la main gauche. Elle fit un bond en arrière et s'écarta de l'hôte démoniaque. Les propos de ce dernier semblaient avoir attisé la colère de la succube, car sa réponse ne donnait pas dans la dentelle :

– Tu viens me provoquer alors que je chassais, sur un territoire qui n'est pas tien, sifflait-elle. Et puis tu décides de tout arrêter, te poussant des ailes parce que ta lame a réussi à m'écorcher par surprise, et tu vas même jusqu'à me narguer avec ton sang corrompu ? Pour qui te prends-tu misérable ? demanda-t-elle, menton haut, d'un air condescendant.

Elle marqua un petit temps de pause pour ne pas lui sauter dessus, mais cria tout de même :

– Tu n'es pas dans un de tes cours, professeur !

Elle avait raison sur un point : Dahiorus l'avait provoquée le premier, en dégainant son épée démoniaque. Mais il pensait à sa vie et à celle de Hana. Que se passerait-il si cela dégénérait ? Cela faisait également un bon moment qu'il ne s'était réellement servi de la Magie. Dans son monde, il aurait très bien pu continuer ce combat, mais là, il ne savait pas ce qui arriverait au démon qui se trouvait en lui. Car ce dernier pourrait éventuellement absorber les énergies magiques environnant et prendre le contrôle de son hôte. Le gantelet le gardait à l'état de léthargie et empêchait Dahiorus de se servir de la main gauche pour canaliser le Mana noir – flux mystique démoniaque de Gaïa –, mais peut-être pas dans celui-ci. Dans le doute, il n'utilisait jamais ce membre « maudit ».

La succube ne savait pas ce que le Mage était réellement. Le démon qu'il possédait devait être extrêmement dangereux. Lui, il restait calme et serein, tandis qu'elle prenait un air méprisant et lui adressait la parole tel un maître à son chien. S'il le pouvait, il aurait arraché ses entraves et libéré son démon. Mais il pensait aux conséquences, il se pourrait qu'il ne puisse pas revenir à lui ensuite. La démone croyait qu'il n'était qu'un simple possédé, mais c'était faux. Si elle pouvait connaître son passé, ce qu'il avait vécu plus jeune, peut-être qu'elle lui parlerait autrement.

Alors que Dahiorus allait lui répondre, Hana tendit le bras et rappela sa lame, qui vint à elle, la garde dans sa main. Elle se volatilisa ensuite sans demander son reste, laissant le jeune homme aux yeux vairons seul, en compagnie du cadavre de la victime de la succube, dans la clairière. Il ne tenta rien, préférant ne pas attiser la fureur de la démone. Mais un sentiment de frustration perturba son esprit.

– Tu ne sais pas, et je ne sais pas de quoi il est capable... Je ne peux pas... murmura-t-il.

Soudain, il entendit la voix de la jeune femme lui parler. Elle avait déjà tenté de le faire, afin de connaître l'identité de son démon. Mais cette fois-ci, elle lui déclara :

« Humain, cet homme, à tes côtés, était un pervers détraqué, si je n'avais croisé sa route, il aurait ce soir consommé et tué deux enfants. Cela t'aurait-il plu ? Démon, toi, comme moi et même plus que moi, tu as commis des atrocités immondes, des choses pour lesquelles ton hôte te hais sûrement, donc ne tiens pas rigueur de mes actes si tu l'as fait. Car sûrement cette boucherie nocturne t'aurait plu... J'espère que nous allons vite nous revoir, monsieur Blacklight. »

Il jeta un coup d’œil sur l'homme à terre. Elle l'avait tué pour une bonne raison alors. Il se sentit bête à ce moment-là. Le jeune homme s'était occupé d'affaires qui n'étaient pas les siennes. On put lire un sentiment de dépit sur son visage. Mais d'un autre côté, ce cadavre ne pouvait pas rester dans cet endroit, on risquerait de le trouver. Dahiorus fit alors quelque chose qu'il ne ferait jamais d'habitude. Il poussa un cri de rage, puis tendit le bras droit vers lui, puis formula une incantation :

– Flammes du purgatoire, venez à moi...

Les énergies magiques convergèrent vers sa main.

– Consumez mon ennemi et revoyez-le dans la mort. Colère d'Ifrit.

Sa main s'illumina, puis des flammes en jaillirent et brûlèrent le corps de l'homme, jusqu'à le réduire en cendres. Dahiorus se retourna ensuite, puis partit en direction du pensionnat. Le regard sombre, il ne prononça pas le moindre mot.

Le démon allait sûrement recroiser la route de la succube, en tant que professeur cette fois-ci.