Ce jour-là, c'était l'un des nombreux jours d'été doux et sec, que l'on aime passer dehors. Ce jour-là, la forêt était paisible, les animaux tranquilles, et les arbres se laissaient bercer par la légère brise. La rivière brassait faiblement l'eau claire. Rien ne laissait présager qu'un cataclysme avait bouleversé la vie de deux êtres innocents...
Ces deux êtres ? Une jeune fille, et un garçon du même âge, environ sept ans. Ils étaient tous les deux étendus le long du ruisseau, et semblait dormir d'un profond sommeil. Ils ressemblaient à deux anges tombés du ciel. Ils étaient trempés, comme s'ils venaient de descendre la rivière évanouis avant de s'échouer sur son bord. Même s'ils semblaient inconscients, la jeune fille grelotait de froid. Elle avait le visage pâle et ces lèvres étaient devenues violettes. Ce fût la première qui ouvrit les yeux. Elle se redressa, et sursauta lorsqu'elle aperçue le jeune garçon. Elle sembla le reconnaître très vite, ce qui dévoila un joli sourire sur ces lèvres, qui reprirent alors des couleurs. Puis elle réalisa que le garçon avait les pieds dans l'eau, ce qui signifiait qu'il était encore en danger. Sans réfléchir, elle le saisit sous les aisselles et le tira à l'abri. Mais ce n'était pas pour autant qu'elle se sentait rassurée. Elle voulait que le jeune garçon se réveille, parce qu'elle savait qu'elle ne pourrait pas rester seule dans cet endroit inconnu et mystérieux. C'est alors qu'elle entendit un loup hurler. Une once d'inquiétude se lut sur son visage. Il fallait qu'elle réveille son frère jumeau. Elle se mit alors a le secouer avec douceur, ce qui entraina un marmonnement de sa part. Elle sourit de nouveau : au moins il était en vie ! Une seconde secousse et il ouvrit les yeux. Elle lui tendit une main, qu'il saisit, et elle l'aida à se redresser. Maintenant qu'il était réveillé, toutes ses angoisses se dissipèrent : elle n'était plus seule. Leurs regards se croisèrent. Les enfants semblaient se connaître mais l'accident qui venait de se produire leur avait fait perdre la mémoire. Ce fut la jeune fille qui se souvint en première de leurs relations : le garçon qui se tenait en face d'elle était son frère. "
Mais oui, tu te souviens ? Nous sommes jumeaux !" Le garçon sembla surpris quelques instants, mais la remarque de la fillette lui paru finalement véridicte. Puis, sans dire un mot, juste avec un regard, ils prirent conscience qu'ils avaient tous les deux faims, comme s'ils n'avaient rien mangé depuis plus d'une journée. Alors, ils s'enfoncèrent dans la forêt, main dans la main.
Pendant une heure, les enfants ont cherché de quoi manger. Mais ils ne trouvèrent pas un seul fruit, pas un seul champignon ou simple petite noisette à manger. La seule chose qui les poussait à ne pas abandonner, c'était leur présence mutuelle. Mais la jeune fille, à bout de souffle, s'assit sur une pierre. "
Mais qu'est-ce que tu fais ?!" s'écria le garçon, "
Il faut continuer ! J'ai envi de manger, moi !". Mais sa jumelle rétorqua "
Ce n'est pas en marchant qu'on trouvera de quoi manger, et de toute façon, je veux me reposer !". Elle croisa les bras et ne bougea pas. Le jeune homme savait que rien ne pourrait la faire changer d'avis, alors il s'assit près d'elle. La tête posée sur ses mains, il observa un roncier sauvage, qui s'était imposé sur un buisson. Le roncier possédait des mûrs qui n'étaient pas encore prêtent à être manger. "Pas de chance" se dit-il. Il les fixa, et les vit se développer à une vitesse anormalement grande. De peur il saisit le bras de sa sœur qui regardait à la direction opposée, et lui cria "
Regarde, à manger !!!". En quelques secondes, ils avaient les mains remplies de mûrs, et en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, les dévorent toutes. Le garçon jeta alors un coup d'œil au roncier qu'ils avaient dévalisé, et... Il avait deux fois plus de mûres qu'auparavant ! A chaque fois qu'ils mangeaient une mûre, deux ou trois autres se développaient presque instantanément. C'était une aubaine pour eux, qui n'avaient pas idée de la manière dont ils pouvaient se nourrir. Ce phénomène évoqua un souvenir lointain à la fillette...
"Ce n'est pas la première fois que tu fais pousser des mûrs...
- Mais ce n'est pas moi, t'es folle ?"
En disant ces mots, le garçon avait détourné son regard du roncier, qui avait tout de suite cessé de se développer. Et ça, la jeune fille l'avait remarqué.
"Quand tu regardes les ronces, elle pousse !"
N'y croyant pas, le garçon cria
"Mais arrête de dire n'importe quoi, c'est pas de ma faute !"
Le vent se mit à souffler aussi fort que la colère du garçon était forte. La petite fille se mit à sangloter de voir son frère s'énerver pour si peu. Il refusait d'admettre qu'elle avait raison. Une fois calmé, ils reprirent la route pour un endroit ou s'abriter pour la nuit. Le garçon marchait en tête, et sa sœur lui emboitait le pas. Il cogitait sur ce que lui avait dit sa sœur. Au fond de lui, il savait qu'elle avait raison. Il s'était souvenu qu'il avait hérité des pouvoirs de sa famille de sorciers élémentaires. Il avait le pouvoir de maitriser les éléments dont était conçu notre monde : la terre et l'air. Mais ce n'était pas le cas de sa sœur...
Le soleil était à présent bas dans le ciel. Les deux jeunes enfants avaient découvert un vieille arbre dont l'épais feuillage tombait jusqu'au sol. Lorsqu'ils poussèrent les feuilles, ils pénétrèrent dans l'abris idéal d'une nuit. Ils s'assirent alors l'un contre l'autre, en attendant Morphée. Le garçon dit alors à sa jumelle :
" Est-ce que tu te souviens de comment tu t'appelais avant ? Parce que je me souviens plus de rien depuis que tu m'as réveillé ce matin...
- Moi non plus je ne me souviens pas de ce qui s'est passé avant. Mais je sais qu'on m'appelait Taiyo, et toi Enjin.
- C'est vrai ? Et tu ne te souviens de rien d'autre ?
- Non, de rien d'autre..."
Et la jeune fille s'endormie ainsi, la tête sur l'épaule de son frère, qui plongea à son tour dans la dimension mystérieuse qu'est le sommeil.
Les premiers rayons de soleil passaient au travers des branches. Certains allèrent se poser sur les yeux d'Enjin. Se demandant ce qu'il se passait, l'enfant se réveilla brusquement. En s'appuyant sur ses coudes, il se releva doucement. Il pouvait voir sa sœur en boule contre lui. On pouvait lire sur son visage un air calme. En sécurité. Cela le fit sourire. Autour d'eux se trouvait le paysage typique d'un lieu sauvage : des arbres, des fleurs, des buissons,...
Après quelques heures, il était temps de réveiller Taiyo pour se mettre à la recherche d'un vrai abri. Enjin, qui ne bougeait pas depuis son réveil, se secoua un peu. A l'aide de ses mains, il souleva la tête de sa sœur pour pouvoir se dégager. Il la reposa ensuite délicatement sur le sol. Il s'agenouilla et approcha sa tête de celle qui dormait. Ses lèvres étaient maintenant à côté de l'oreille de sa sœur, il murmura "Debout petite sœur". A ces mots, aucune réaction. "
Taiyo ??! Il faut se trouver un abri..." Il apparu alors dans le rêve de la fillette une jolie cabane, alors qu'elle se trouvait dans un désert. Elle s'y précipita, et lorsqu'elle voulut ouvrir la porte, ce fut ses paupières qui se soulevèrent. "
Cabane....". Ce mot s'échappa de la petite bouche. "
Enfin réveillée sœurette !" Enjin laissa le temps à Taiyo de bien se réveiller puis ils se mirent en marche.
Pressés de trouver un lieu ou abriter leur tête, les jumeaux avaient oubliés de manger. C'est au milieu de la journée que leur ventre fit d'étranges bruits. Par instinct, Enjin fit pousser des ronces. A de multiples endroits se trouvaient de grosses mûres bien noires. Affamés, les deux petits se jetèrent dessus. Elles étaient juteuses, délicieuses. Enjin devait s'entrainer depuis longtemps pour faire pousser des mûrs de si bonne qualité.
Une fois rassasiés, ils se remirent à marcher. Pour Enjin, c'était comme un jeu : trouver un bel arbre, faire une cabane, survivre... Mais pour sa sœur, c'était tout autre chose. Elle commençait à avoir peur et restait collée derrière son frère. Après tout, il était son protecteur. La course assez rapide des enfants se stoppa net après une ou deux heures de marche. Sa sœur qui regardait ses pieds se cogna bêtement contre lui. Intriguée par l'arrêt, elle leva la tête et regarda devant eux. Il se tenait fièrement un arbre millénaire. Un arbre immense. Ses branches étaient immenses. Ses fleurs étaient bleues. Un joli bleu clair, bien qu'assez perçant pour se différencier du ciel. Les jumeaux se dirigèrent vers cette antiquité. Ils devaient voir de plus près cet étrange spécimen. Le garçon, un peu brutal de nature, frappa l'arbre. Il sonna creux. Alors, en donnant un coup de pied avec ses forces d'enfant, un bout d'écorce de leur taille se détacha, tomba, créa une entré. Enjin, bien qu'un peu effrayé, entra dans l'arbre. Il faisait noir, mais rien ne semblait étrange. Cet arbre ressemblait à un abri idéal, une cachette inespérée.
Pendant six ans, les jumeaux vécurent de ce que pouvait produire l'héritage d'Enjin, qui voyait ses pouvoirs grandir. Pendant six ans, il protégea sa sœur de tout ce qui aurait pu la nuire, ou simplement la toucher...
Mais un jour, alors qu'Enjin était réveillé de bonne heure le matin, une silhouette inconnue s'approcha de l'arbre-maison, sans que ses habitants ne s'en aperçoivent... Enjin, sans soupçonner de présence, sortit du refuge pour aller chercher quelque chose à manger à sa sœur, comme à son habitude. L'ombre atteint alors la porte de l'arbre-maison et fit craquer une branche. Enjin se retourna, et Taiyo se réveilla instantanément. En voyant l'inconnu, le jeune homme cria à sa jumelle de se cacher, et dans les quelques secondes qui suivirent, Taiyo se métamorphosa en rose noire, couverte d'épine. Pendant ce laps de temps, la silhouette s'était mise à courir dans la direction dont elle était venue. Enjin courra derrière elle, mais ne la rattrapa pas. Lorsqu'elle eut disparue de son champ de vision, il continua pendant quelques minutes sa course pour tenter de la retrouver. A bout de souffle, Enjin fut contraint de s'arrêter. Quelque chose menaçait sa sœur dans la forêt, il devait le retrouver.
"
Enjiinnn !..." Taiyo appelait en vain son frère dans la forêt, mais il ne lui répondait pas. Tant pis, elle avait l'habitude. Il suffisait qu'elle suive le souffle du vent pour le retrouver. Il faisait toujours souffler le vent pour elle. "
Ha ! Tu es là !" Enfin elle l'avait retrouvé. Il était rouge, et il transpirait. Il lui dit "
Tout à l'heure... Tu t'es transformée en rose..." "
Oui je sais, je ne me sentais pas en sécurité, c'est venu tout à fait instinctivement..."
Les jumeaux continuèrent leur chemin, ils avaient toute la journée devant eux pour explorer cette partie de la forêt. Mais à peine une demi heure plus tard, ils aperçurent à travers les arbres une enceinte de pierre. La curiosité l'emporta, et ils la longèrent jusqu'a trouver une entrée. Cette muraille était celle d'un vieux bâtiment en pierre... Que les lecteurs de cette présentation connaissent si bien !